
Un couple souhaite avoir un enfant. Il sait comment s’y prendre et fait tout pour y parvenir. Mais le temps passe et la grossesse n’est pas au rendez-vous. Est-ce ou non pathologique? Des chercheurs britanniques ont travaillé la question. Voici leurs réponses.
Avant l’avènement de la Procréation dite «médicalement assistée»
on n’en parlait pas. Ou du moins on n’en parlait pas ouvertement. Aujourd’hui,
il en va différemment et l’on s’inquiète volontiers dès lors qu’un couple qui
le souhaite ardemment ne parvient pas à procréer «dans les délais». On a tôt
fait d’envisager la «stérilité» quand il ne s’agit bien souvent que d’une
«hypofertilité». Mais comment savoir? Et, surtout, comment faire pour que l’inquiétude
grandissante (voire parfois l’angoisse) ne complique pas un peu plus encore la
situation? Une gestation réclame une relation sexuelle fécondante. Et cette
dernière nécessite bien souvent que les deux partenaires ne soient pas
obnubilés par la seule pensée de la fécondation à tout prix.
Une formule
mathématique pour calculer les chances de procréer
Une réponse à cette question qui peut devenir très douloureuse
est aujourd’hui fournie par chercheurs britanniques de la Warwick Medical
School. Ils proposent une formule mathématique qui permet d’estimer les chances
pour un couple qui le désire d’avoir un enfant à un moment donné. Les
conclusions de leur travail viennent d’être publiées dans la revue PLoS ONE. Si
leurs observations recoupent des données bien connues de tous (la fécondité des
femmes baisse quand elles avancent en âge), leurs calculs permettent de
formuler des recommandations pour savoir quand il devient utile et fructueux de
consulter un médecin quand des tentatives répétées se révèlent infructueuses.
De nombreuses institutions spécialisées ont déjà cherché à
élucider ce qui demeure parfois un mystère de manière à pouvoir fournir des
recommandations pratiques. En Grande Bretagne, la Human Fertilisation and
Embryology Authority (HFEA) britannique explique ainsi que 80% des couples qui
ont des rapports sexuels réguliers (on évoque ici une fréquence de deux à trois
rapports hebdomadaires) et qui n’ont pas recours à des méthodes contraceptives
(c’est une évidence mais mieux vaut le préciser) doivent normalement concevoir
dans l'année. Les autres (soit 20%) concevront l’année suivante. C’est du moins
le tableau idéal dès lors que l’on ne rencontre pas de problèmes de stérilité
ou d’hypofertilité (et ce chez l’homme, chez la femme ou chez les deux). Et
l’expérience montre que ces problèmes (réels ou imaginés) sont en pratique
nettement plus fréquents qu’on pourrait l’imaginer.
La publication de PLoS ONE, signée de Peter D. Sozou et
Geraldine M. Hartshorne (Warwick Medical School, Université de Warwick,
Coventry, Royaume-Uni ont repris des données des études antérieures qui
démontraient que plus le temps passait plus les chances de concevoir se
réduisaient. Les conclusions sont ici généralement basées sur les délais des
tentatives du couple (ce qui correspondait au nombre de cycles menstruels) et
sur l'âge de la femme. Une autre variable est ce que l’on peut appeler le «taux
de conception intrinsèque» du couple, soit la possibilité qui est la sienne de
parvenir à une fécondation.
Il faut
essayer pendant au moins un an
Les chercheurs ont testé de manière assez sophistiquée leur
modèle sur plusieurs «groupes» de couples. Simplement résumés, les résultats
indiquent que l'âge influence de manière définitive le nombre de cycles avec
relations sexuelles avant l’obtention d’une grossesse. Et on peut considérer
que l’hypofertilité commence à partir de douze cycles sans conception: un
couple peut se considérer comme «hypofertile» après une année de relations
sexuelles sans contraception et sans conception. Et il peut raisonnablement
alors consulter un médecin ou une équipe spécialisée.
Cette précision n’est pas sans conséquence pratique. On estimait
généralement par le passé qu’un couple pouvait commencer à s’inquiéter après
deux ans de rapports sexuels infructueux. Le conseil formulé doit bien
évidemment être pondéré par l’âge de la femme qui souhaite concevoir et par ses
antécédents gestationnels et médicaux. Passé l’âge de 35 ans le délai de douze
cycles peut-être notablement réduit. Il en va aussi pour l’homme dont on
continue à sous-évaluer le rôle dans les cas d’infécondité ou de stérilité et
qui est à tort considéré comme doté d’un pouvoir fécondant qui résiste
durablement à l’âge.
Ce travail met aussi en évidence une méthode de calcul et un
postulat qui heurtent souvent le sens commun. Deux données qui surprennent bien
souvent tous ceux qui au cours de leur scolarité ont été amené à découvrir les
délices de l’art des statistiques. Les chercheurs ont ainsi travaillé avec une
approche de modélisation qui suppose que chaque cycle successif de tentative de
conception est indépendant du précédent. En d’autres termes ce n’est pas parce
que l’on a échoué au terme de relations sexuelles pratiquées durant dix cycles
qu’une des relations sexuelles du onzième cycle ne sera pas la bonne.
C’est la même méthode qui est retenue dans les exercices où l’on
tente de calculer la probabilité de réunir des paires de chaussettes de même
couleur quand on est amené à les chercher (dans l’obscurité absolue) dans un
tiroir ou elles sont (mal) rangées. C’est cette méthode qui fait sourire les
statisticiens quand ils voient que l’on affiche les gains mirifiques obtenus
par un parieur dans un lieu de pari en espérant augmenter le nombre des
parieurs dans ce lieu. Ils savent, les statisticiens, que la probabilité
demeure la même à chaque nouvelle tentative, quels qu’aient pu être les gains
de l’endroit.
Et les professionnels des statistiques vous expliqueront
volontiers que toute opinion contraire est du ressort de la pensée magique. On
remarquera sur ce point que l’immense majorité des parieurs ne croient pas dans
la parole des statisticiens. Tous ont une forte propension à la pensée magique.
Or la pensée magique est d’ailleurs le fondement même du comportement du
parieur et de tous ceux qui sont devenus gravement dépendants aux jeux de
cartes, de chevaux, de paris en ligne et de grattage. Rien ne dit qu’elle
n’habite pas ceux qui entreprennent des ébats amoureux avec l’espoir, secret ou
pas, de concevoir.
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